Jean Bergevin, conseiller en relations internationales, relate un échange inoubliable.
Il est 7h00 du matin. Alexandre, mon principal contact au sein de l’important Syndicat des métallos de la région de l’ABC, vient me chercher en voiture à la station de métro Sacomã dans une banlieue du Sud-Est de São Paulo, la grande métropole du Brésil. Direction São Bernardo do Campo, ville industrielle voisine. Nous stationnons dans une rue résidentielle devant une maison que rien ne distingue des autres sauf la présence de gardes du corps. Cette maison est en fait un petit et discret centre d’entrainement physique aménagé par le syndicat où Lula et des ami-es et collaborateurs-trices font leurs exercices matinaux, prennent un déjeuner et discutent avant de se rendre au travail.
Alexandre m’informe que ma visite a été autorisée par Lula lui-même que j’avais eu l’immense privilège de rencontrer à son bureau de l’ “Institut Lula” quelques mois avant son emprisonnement. Cette fois, je suis admis dans son intimité. Sous la surveillance d’un entraîneur, Lula est là forçant et suant sur un appareil de musculation. Il interrompt ses exercices pour se lever et m’accueillir chaleureusement par une forte accolade. Je suis ensuite invité à aller prendre un déjeuner dans la petite cuisine attenante où deux personnes sont attablées.
Lula termine ses exercices et vient nous rejoindre après une quinzaine de minutes. Il prend place en bout de table sous une image grandeur nature de son visage collée au mur avec l’inscription “LULA LIVRE” (Lula libre). Je suis donc tout près de l’homme et de son image! Tout se passe dans la plus grande simplicité, comme en famille. Lula prend son déjeuner et nous échangeons sur la conjoncture générale du Canada et du Québec. Lorsque la problématique de notre manque de main-d’oeuvre est mentionnée, Lula fait remarquer que la région de São Bernardo compte plusieurs chômeurs-euses qui pourraient répondre à nos besoins. A São Bernardo, des fermetures d’entreprises manufacturières entraînent d’importantes mises à pied. Dernièrement, Ford y a fermé ses lignes de production de camions et de voitures, ce qui a provoqué la perte de 2 600 emplois directs sans compter l’impact sur les nombreux fournisseurs de pièces et de services de la région.
Comme ailleurs dans le monde, le Brésil est à revoir son régime public de retraite, ce qui provoque des débats et soulève des préoccupations notamment dans le milieu syndical. Lula manifeste beaucoup d’intérêt pour le système de retraite “Bâtirente”et le fonds de travailleurs “Fondaction” créés au Québec à l’initiative de la Confédération des syndicats nationaux (CSN). Un dirigeant syndical qui a visité et connait bien ces organisations du Québec témoigne à Lula de toute l’importance d’une gestion professionnelle et surtout d’une gouvernance autonome distincte des syndicats mais qui en partage les valeurs.
Après des échanges sur le mode de financement des partis politiques et des syndicats, je profite de ce moment pour remettre à Lula une bouteille de vin de glace du Québec et des articles d’éducation financière destinés aux enfants distribués par le réseau brésilien de coopératives de services financiers Cresol Sicoper avec lequel la Caisse d’économie solidaire Desjardins entretient des relations de coopération depuis plusieurs années. Ce partenariat est d’ailleurs la principale raison de mon actuel séjour au Brésil.
Lula doit nous quitter pour aller à l’étage se faire tailler la barbe!
J’ai le temps de lui souhaiter le meilleur pour 2020.
Lula est libre. Il a 74 ans et maintient la forme. À suivre.
Jean Bergevin, conseiller principal
Finance solidaire et relations internationales
Caisse d’économie solidaire Desjardins.
Rédigé à São Bernardo do Campo, État de São Paulo, Brésil, le 12 décembre 2019.